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Les maladies du bois de la vigne : une menace pour les vignobles français

Esca, Black Dead Arm (BDA), eutypiose : ce sont les principales maladies du bois de la vigne. Présentes dans l’ensemble des bassins viticoles français, elles constituent une préoccupation majeure pour les viticulteurs. Seule une approche holistique permet de les contrôler.

Depuis plusieurs années, la recherche mondiale travaille pour combattre les maladies du bois (MDB), qui touchent chaque année davantage de vignobles et de pieds de vigne.

Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’existe pas de solution unique pour lutter contre les maladies du bois. Plus que jamais, il est nécessaire d’associer différentes pratiques pour assurer une lutte holistique et limiter l’impact des pathogènes. Cela commence par bien choisir ses plants,revoir son système de taille pour mieux respecter les flux de sève mais aussi limiter les sources d’inoculum en éliminant les pieds malades et morts.

En curatif, le curetage (et le regreffage) peut agir pour sauver des ceps qui garderont une part de leur production. Dans les cas plus graves de mort des ceps, l’arrachage des pieds morts et la replantation sont couramment utilisés pour tenter de compenser les pertes de production. Mais ces techniques, lourdes et coûteuses, ne protègent pas durablement les ceps, qui peuvent à nouveau être infestés.

Le contrôle des maladies du bois nécessite une approche holistique :

  • Production de plants « sains » dans les pépinières.
  • Choix de l’implantation, du type de taille et de la conduite du vignoble.
  • Mesures prophylactiques pour limiter les sources de contamination.

Biologie des maladies du bois de la vigne

Les maladies du bois sont le résultat de phénomènes complexes encore mal connus. On sait cependant que les agents pathogènes se transmettent essentiellement par voie aérienne et pénètrent par les plaies laissées après la taille, qui sont la porte d’entrée majeure des pathogènes, et ce, chaque année.

Les agents pathogènes pionniers, pénètrent chaque année dans les vaisseaux du bois suite à la taille. Ils se développent et colonisent progressivement les différents tissus du pied de vigne. Petit à petit, ils perturbent la remontée de la sève dans les bois en obstruant les vaisseaux qui la véhiculent. Les zones sans flux de sève meurent. Les symptômes n’apparaissent que 5 à 8 ans après le début des contaminations.Dans la forme apoplectique de l’esca (une des maladies du bois), l’expression des symptômes se déroule avec une intensité plus forte et une rapidité foudroyante. Le pied meurt en quelques jours.

Les conditions favorables

  • Des températures comprises entre 20 et 30°C en présence d’une humidité supérieure à 60 % sont propices au développement des maladies du bois. Les températures très chaudes l’été peuvent favoriser la forme apoplectique de l’esca.
  • Les facteurs du milieu jouent un rôle encore mal compris et les différents pathogènes peuvent avoir des exigences et des réponses qui ne sont pas homogènes.
  • Certains cépages sont aussi plus sensibles aux maladies du bois que d’autres, c’est le cas par exemple de l’ugni blanc, du nielluccio, du trousseau, du savagnin, du riesling, du cabernet sauvignon, ou encore de l’auxerrois.
  • Il faut savoir également qu’un même cépage peut avoir un comportement différent selon son implantation géographique. C’est probablement en lien avec les facteurs du milieu, ou peut-être avec les pratiques régionales de taille ou plus généralement de conduite du vignoble.
  • Enfin, des tailles trop mutilantes (absence de chicot), telles que pratiquées il y a encore peu de temps, favorisent le développement de ces maladies. Le retour à des tailles décrites au début du XXème siècle par Poussard (taille guyot Poussard), contribuent à limiter le développement des maladies ou à retarder leur expression, notamment par la mise en place d’une taille respectueuse des flux de sève à l’intérieur du tronc. Il semble cependant que comme toutes les techniques mises en œuvre, celle-ci n’est pas suffisante pour solutionner le problème… Globalement, le modèle le plus efficace à ce jour sera une addition des techniques qui agiront de manière complémentaire.

Les maladies du bois ne sont pas provoquées par un seul champignon, comme c'est le cas pour d'autres maladies, mais par un complexe d’une vingtaine d’agents pathogènes dont certains jouent un rôle évident et d’autres un rôle qui n’est pas encore clairement identifié.

  • L’eutypiose, maladie très courante dans les années 80, est moins présente actuellement. Elle est provoquée par un seul champignon : Eutypa lata.
  • L’esca nécessite plusieurs champignons pour se développer, dont les quatre principaux sont Phaeomoniella chlamydospora (Pch), Phaeoacremonium aleophilum (Pal), Eutypa lata, et Fomitiporia mediterranea.
    Ces champignons sont des pionniers indispensables au développement de la maladie. Ils pourront ensuite être surcontaminés par des champignons secondaires.
  • Quant au Black Dead Arm (BDA), il a besoin notamment des Botryosphaeria sp.
    Cette dernière maladie est considérée par certains experts comme une forme d’évolution de l’esca.

L’esca se manifeste sur les feuilles de la vigne par l’apparition de petites taches entre les nervures du limbe, de couleur jaune sur les cépages blancs, et rouge sur les cépages noirs. Ces taches laissent ensuite la place à des marbrures et les espaces inter-nervaires de la feuille finissent par se dessécher. Leur contour est marqué par un liseré jaune caractéristique. Sur les baies, des taches brunes violacées apparaissent. Cette maladie provoque, entre autres, un retard de maturité.

Les symptômes qui s’extériorisent en présence de BDA sont très proches de ceux de l’esca. Mais ici, il y a absence de liseré jaune entre les nervures et le limbe, ce qui est propre aux symptômes de l’esca.

L’eutypiose entraîne de son côté un raccourcissement des entre-nœuds et une nanification des rameaux, donnant un aspect rabougri à la plante.

Avec le temps, l’esca et le BDA se manifestent par la présence de zones spongieuses et nécrosées au cœur du cep : l’amadou, qui révèle toujours la présence de Fomitiporia. Les attaques, d’abord discrètes dans la coupe transversale du tronc du cep, peuvent se développer sous formes de nécroses sectorielles ou longitudinales. Après une attaque d’eutypiose, les parties mortes des bois restent dures et les plus anciennes de petite taille, se brisent facilement.

La présence d’esca ou d’eutypiose provoque le dépérissement des ceps et les conduit, plus ou moins rapidement, à leur mort.

Nuisibilité des maladies du bois de la vigne

Le dépérissement du vignoble français en grande partie provoqué par les maladies du bois a de réels impacts. Il contribue notamment à la réduction de la productivité du vignoble et il dégrade la qualité du raisin. Il ne faut pas sous-estimer ces maladies qui sont en hausse constante.

Le dépérissement du vignoble français provoque une réelle baisse de sa productivité. En effet, les pieds touchés par les maladies du bois voient leur production chuter.

Le dépérissement est responsable d’une perte de rendement annuelle moyenne de 4,6 hectolitres par hectare. D’autres auteurs estiment les pertes liées aux maladies en ceps improductifs de 11% en 2008 à 13% en 2012, avec des pointes à 23% dans le Jura*.

A l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin), on parle de 12% de ceps improductifs (soit 100 000 ha) et 1 milliard d’euros de perte par an soit 15% des exportations françaises**.A FranceAgriMer, on estime les pertes entre 3 et 5 Millions d’hectolitres.

*Grosman et Doublet, 2012

**Nadal et Van Ruyskensvelde

Des études conduites par l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, ainsi que l’Université de Bordeaux, en 2009 et 2010, ont montré que les raisins issus de pieds atteints par l’esca, arrivent plus tard à maturité. Pour une même date de vendange, ils présentent des teneurs en sucre de l’ordre de 10% plus faibles, des acidités d’environ 20% plus élevées, et des teneurs en composés phénoliques, en particulier en anthocyanes, de 30 à 50% plus faibles.

A la dégustation, les chercheurs ont noté en bouche, des notes herbacées plus marquées, une baisse du caractère fruité et un goût de moisi prononcé, dès la présence de 5% de raisins issus de pieds touchés par l’esca.

Depuis quelques années, les parcelles concernées par les maladies du bois sont de plus en plus fréquentes et le pourcentage de pieds atteints grève le potentiel de production du viticulteur.

Toutes les régions sont touchées, mais les attaques les plus sévères sont observées dans le Jura, en Alsace, en Charentes et dans le Bordelais.

Il n’est pas rare de constater des parcelles avec plus de 25% de pieds touchés (pieds présentant des symptômes, pieds morts ou manquants).

En 2004, les maladies du bois ne concernaient que 2 à 3% des surfaces de vigne en France. En 2018, plus de 100 000 ha, soit 15% du vignoble français, sont concernés. Et l’impact économique s’élève à plus d’un milliard d’euros par an*.

Ce que les études montrent, c’est que le problème s’accroit et que, sans réponse, il en va aujourd’hui de la compétitivité de la filière vin française !

*Source : IFV

La lutte contre les maladies du bois de la vigne

La diversité des agents pathogènes responsables des maladies du bois, rend la lutte contre ces maladies très difficile. Après l’arrêt de l’Arsénite de Sodium, en 2001, pour des raisons de toxicité inacceptable, les vignerons se sont retrouvés face à un problème sans solution.

Les tentatives de lutte préventive proposées aujourd’hui sont peu utilisées car jugées trop lourdes et/ou pas suffisamment efficaces. Les vignerons ont donc cherché des solutions pour limiter la mort des ceps atteints, et ont eu recours à des méthodes curatives :

  • Le curetage : c'est une méthode décrite au début du XXème siècle (qui se pratiquait alors avec un marteau et un ciseau à bois), qui se pratique de plus en plus, avec une petite tronçonneuse. Elle consiste à extraire de la zone touchée l’amadou et à nettoyer le cep des parties infectées par le ou les champignons. A priori efficace pour ralentir la mort des ceps, cette technique est lente et délicate, et ne peut s’appliquer à tous les types de conduite de la vigne.
  • Le recépage : le même objectif peut être obtenu en coupant le cep à un niveau suffisamment bas, sous la zone de nécrose et en appliquant du mastic pour protéger la plaie. On laisse alors se développer un nouveau rameau (sain) qui va en quelques années redonner un pied productif. A priori, cela redonne « une jeunesse » aux pieds, avec les atouts et les contraintes en lien avec leur âge (production nulle à limitée pendant la reconstitution du pied, même risque de contaminations ultérieures, etc.), mais cela apporte une réponse momentanée.
  • Le regreffage : sur cette même coupe, on peut aussi, après l’avoir fendu verticalement, introduire un greffon sain. En 2 ans, on retrouve une partie de la production.
  • Le marcottage : il permet aussi parfois de repartir sur des pieds sains. Il consiste à enterrer un rameau afin de produire un nouveau pied. Mais dans ce cas, la plante régénérée est un pied franc non greffé qui sera sensible au phylloxéra de la vigne. Cette technique est aujourd’hui peu utilisée.
  • La complantation : elle est la technique la plus utilisée aujourd'hui. Les viticulteurs font le choix d’arracher le pied atteint et le remplacer par un jeune plant. Le risque est que le nouveau pourra lui aussi être exposé aux attaques de ces champignons et dans ce cas, il faudra attendre plusieurs années pour retrouver une production.

Les différentes solutions présentées ici ne sont pas entièrement satisfaisantes et ce sont toutes des solutions curatives (donc sur pieds atteints) qui « réparent » le problème mais ne permettent pas de le prévenir.

Pour limiter le développement des maladies du bois de la vigne, 4 mesures préventives sont proposées aux praticiens :

  • Vérifier la solidité du point de greffe sur les jeunes plants.
  • Ne pas tailler les rameaux trop près du cep.
    En effet, suite à l’apparition de sécateurs pneumatiques ou électriques, la taille a été facilitée et du fait de la capacité accrue à tailler « ras », les écoles de taille ont incité les tailleurs à faire des tailles « propres », qui ont favorisé le développement des maladies du bois.
    Aujourd’hui, on assiste à une prise de conscience qui remet en cause ces tailles et propose de tailler en laissant en place des chicots pour permettre l’existence d’un cône de dessèchement suffisamment important pour empêcher les champignons de s’attaquer au flux de sève.
    Au niveau de la taille, a été remise au goût du jour, une taille pratiquée dans les années 1920 par Poussard dans le vignoble de Cognac, dont le principe est le respect du flux de sève. De plus en plus pratiquée, cette taille améliore la capacité des ceps à moins développer les maladies du bois.
  • Protéger les plaies de taille, pour éviter la contamination par les spores des champignons. Pour l’eutypiose, certains prônent une taille tardive, le plus près possible de la période des pleurs.
  • Sortir du vignoble les pieds arrachés et les brûler rapidement après leur arrachage pour éviter de créer des réservoirs de spores contaminantes.

Les rares solutions proposées aux viticulteurs offrent des réponses qui restent aléatoires et insuffisantes. Par ailleurs, le recours à l’épamprage chimique permet également d’éviter des plaies sur le tronc qui constituent des portes d’entrée aux champignons.

Depuis quelques années et suite à l’arrêt de l’arsénite de sodium en 2001, les organismes de recherche se mobilisent et coordonnent leurs travaux, pour tenter d’enrayer le fléau des maladies du bois.

En parallèle, la filière vitivinicole a déclaré le dépérissement du vignoble comme une priorité nationale et un Plan National Dépérissement du Vignoble a été engagé, avec des moyens conséquents alloués à la recherche : 10,5 millions d’euros sur trois ans (2017-2020).

Les perspectives portent à la fois sur la lutte préventive, avec notamment l’arrivée de nouvelles solutions fongicides, mais aussi avec des innovations dans les pratiques de taille, de gestion du vignoble, et en pépinières, de qualité des plants.

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