Daniel, horticulteur : « On vient de toute la France pour admirer mes iris »

Depuis une vingtaine d’années, Daniel Labarbe réserve quelques hectares de son exploitation à la production de plants d’iris. Aujourd’hui, il en cultive plus de 4 000 variétés. Une diversification qui lui a permis de retrouver le chemin de la rentabilité et a enrichi la biodiversité de ses parcelles.
Daniel Labarbe est un passionné : il pourrait parler de ses iris pendant des heures. Il en cultive plus de 4 000 variétés sur 3 hectares de son exploitation, située à Laplume, un village situé au sud d’Agen, dans le Lot-et-Garonne. On vient de toute la France pour les admirer ou lui en acheter quelques pieds. « Je reçois près de 3 000 visiteurs par an, se réjouit-il. Beaucoup de connaisseurs et de collectionneurs. » Cette activité d’horticulture, il l’a lancée il y a une vingtaine d’années après avoir produit des melons et des tomates. « J’en faisais 3 hectares, j’avais 8 ouvriers et cela m’a permis de financer mon foncier, ainsi que le lac qu’on a construit pour assurer l’irrigation, raconte-t-il. Mais dans les années 90, il y a eu une surproduction. Et surtout, quelques collègues sont partis au Maroc. Et au lieu de faire 3 hectares de melon, ils en ont fait 300 avec 400 ouvriers, avec des prix défiant toute concurrence. Donc, nous, on a tout abandonné. » Daniel ne regrette pas sa reconversion. Aujourd’hui, ses 3 hectares en horticulture lui rapportent plus que ses 20 ha en céréales.
« Aujourd’hui, mes iris me rapportent plus que mes 20 hectares de céréales. »
En écoutant parler Daniel, on comprend que se vie d’agriculteur n’a pas été de tout repos. A vrai dire, il aurait dû être électricien. Mais lorsque son frère aîné est parti s’installer à une trentaine de kilomètres de là après son mariage, c’est à lui qu’est revenu le devoir de reprendre l’exploitation familiale. Ce qui impliquait de racheter les parts de ses quatre frères et sœurs. Une obligation synonyme de beaucoup de sacrifices. « J’en ai pleuré le soir du mariage de mon frère, car je savais ce qui m’attendait, se rappelle-t-il. Et même en sachant cela, je ne pouvais pas imaginer les difficultés que j’allais rencontrer… »

« Quand j’arrache un pied d’iris, je vois les vers de terre qui grouillent, signe que la vie est bien là! »
Pour Daniel, la diversification est une nécessité pour les agriculteurs qui comme lui ne disposent pas de grandes exploitations. « On ne peut pas lutter avec le Canada, le Brésil ou l’Ukraine pour les céréales, estime-t-il. Ce n’est pas la peine. » Pour lui, il faut aller vers les cultures spécialisées, voire de niche comme les iris (ou les noisettes), et vendre une partie de sa production en direct.
Les iris ne sont pas le seul motif de fierté de Daniel. A la suite de son père, il a planté des haies brise-vent pour protéger les cultures dans cette région soumise aussi bien aux vents d’ouest qu’au vent d’autan (sud-est). « J’ai commencé avec de l’acacia, du noyer et de l’aulne, se souvient-il. Aujourd’hui, on a des haies avec une vingtaine de variétés différentes. » Le résultat : un cadre paysagé magnifique et le retour de la biodiversité : « J’ai vu revenir les petits oiseaux qui trouvent le gîte et le couvert dans mes haies. » Autre avantage : il n’a pas besoin de serres en plastique. Ses iris poussent en pleine terre, un atout que ses clients apprécient.
Daniel aime aussi sa terre. « J’aime la toucher avec mes mains, lance-t-il en joignant le geste à la parole. Quand j’arrache un pied d’iris, je vois les vers de terre qui grouillent, signe que la vie est bien là. On est loin de l’époque où on labourait à tout crin. Tout ça c’est du passé ! » Un signe qui ne trompe pas : l’eau qui ruisselle dans ses champs après la pluie est limpide. « On pourrait la boire ! », ajoute-t-il. C’est en tout cas la preuve que les éléments nutritifs restent bloqués dans le sol. Les visiteurs qu’il accueille sur son exploitation lui parlent beaucoup de désherbage et de Roundup. C’est l’occasion pour lui de faire de la pédagogie et d’expliquer que les pratiques des agriculteurs ont évolué, mais qu’il y a des situations où l’on ne peut éviter de désherber avec des produits chimiques. « J’ai planté deux kilomètres de haies paysagères, explique-t-il. Si je n’avais pas utilisé de désherbant durant les premières années, cela n’aurait pas été possible. » Et les méthodes alternatives ? Certes, il y a le désherbage mécanique, mais il n’est pas toujours efficace et coûte nettement plus cher. Quant à certaines solutions « naturelles », elles sont parfois pires que les désherbants : « Certains utilisent du gros sel : mais cela tue tous les vers de terre ! »

« Un paysan, ça ne vend pas, ça meurt avec sa terre ! »
Et demain, qui reprendra l’exploitation ? Il ne le sait pas encore. Une chose est sûre en tout cas, il ne cèdera pas ses terres. « Un paysan, ça ne vend pas, ça meurt avec sa terre, affirme-t-il. On n’est pas comme les commerçants qui peuvent vendre leur boutique et partir à la retraite. »