« Si le couvert associé au colza joue un rôle pour baisser la pression en grosse altise et réduire le recours aux herbicides, on s’aperçoit que cette technique s’intègre à l’échelle de la rotation en aidant à changer de système de production. »
Les plantes compagnes, pivot des itinéraires agroécologiques en colza
Dans la Vienne, des itinéraires techniques innovants sont expérimentés pour accélérer la transition agroécologique. Celui situé près de Civray, à la Chapelle-Bâton, évalue les bénéfices agronomiques du colza associé à plusieurs mélanges de plantes compagnes ainsi que les interactions avec les écosystèmes pour baisser la pression des ravageurs, en l’occurrence celle de la grosse altise. L’expérimentation rassemble les équipes de BASF, de la coopérative Océalia, du syndicat Eaux de Vienne et du laboratoire Flor’insectes. L’apport des innovations rendues possibles avec l’agroécologie est attendu par tous les acteurs, dans la Vienne et bien entendu au-delà.
Le cœur du projet des itinéraires agroécologiques en colza, ce sont les plantes compagnes
Le colza est une culture rentable qui a du sens d’un point de vue agronomique. Néanmoins, le colza a aussi des contraintes de production liées notamment à la protection contre les ravageurs, comme les grosses altises et nécessite un désherbage. Pour baisser l’usage des intrants, des itinéraires techniques sont expérimentés dans la Vienne avec plusieurs leviers agroécologiques.
Ceux mis en place en 2020 à Champniers, près de La Chapelle Bâton, chez Théo Touron, dans le cadre d’une collaboration entre les équipes de BASF, de la coopérative Océalia, du syndicat Eaux de Vienne, et du laboratoire Flor’insectes évaluent les effets des couverts associés au colza sur la baisse des attaques d’altises ainsi que leur pouvoir étouffant vis-à-vis des mauvaises herbes. Cet itinéraire est stratégique pour la coopérative Océalia, pour laquelle les colzas associés représentent déjà 30% des surfaces qu’elle couvre. En France cette pratique concerne seulement 12% des surfaces de colza.
Grosses altises, perturbées, grâce aux plantes compagnes
En semant dans des mini-parcelles le colza avec de la féverole, complétée ou non par des trèfles d’Alexandrie, de la vesce, du fenugrec ou des lentilles, l’objectif est d’évaluer leur effet perturbateur sur les grosses altises. Les plantes compagnes jouent le rôle de leurre. Selon une hypothèse émise par les entomologistes, un mécanisme de confusion olfactive ou visuelle entre en jeu. « On observe une réduction des interventions insecticides de l’ordre de 25 à 50 % par rapport à des cultures de colza sans plantes compagnes », témoigne Kevin Larrue, responsable du service Innov Agro d’Océalia.
Réduction de l’IFT herbicides grâce aux plantes compagnes
Sur les parcelles réputées « sales », les herbicides racinaires à base de métazachlore ou de DMTA-P sont appliqués dans les jours suivant le semis ou en post-levée précoce du colza (stade cotylédons à 1-2 feuilles du colza). « L’enjeu est de trouver le bon compromis entre un désherbage efficace permettant un contrôle précoce des adventices préjudiciables au colza et la sélectivité des couverts de légumineuses, souligne Sylvain Coudreuse, ingénieur Conseil et Environnement BASF. Le champ sur lequel sont réalisés les essais possède une problématique de graminées. L’herbicide racinaire a été appliqué à demi-dose en post-levée précoce pour que le colza soit suffisamment robuste. Ce désherbage a été complété par un rattrapage à pleine doser en début d’hiver. C’est en moyenne une réduction 15 à 25 % de la dose classiquement utilisée qui est obtenue dans ce type d’itinéraire. » Une telle stratégie intéresse le syndicat Eaux de Vienne, partenaire de la démarche.
Bords de champ réservés aux auxiliaires et aux pollinisateurs
Recherche d’une régulation naturelle des grosses altises avec Tersilochus
Les bords de champ jouent-ils un rôle dans la régulation des grosses altises ? Pour évaluer les services écosystémiques des itinéraires agroécologiques une bande fleurie a été semée en bordure de la parcelle d’essai. Elle sert de refuge aux insectes auxiliaires « utiles ». Le plus efficace d’entre eux est l’hyménoptère parasitoïde Tersilochus microgaster. Selon Johanna Villenave-Chasset, l’entomologiste du laboratoire Flor’insectes qui a suivi les essais, Tersilochus peut parasiter jusqu’à 60% des larves d’altises au printemps, en reprise de végétation. L’effet sur la régulation s’observe l’année suivante avec une diminution des émergences de grosses altises.
L’objectif est de favoriser le retour de Tersilochus, de suivre la dynamique de population sur plusieurs saisons. « Ce sujet est prospectif et passionne les agriculteurs, car ils veulent éviter de traiter, témoigne Sylvain Coudreuse. Notre idée est qu’en théorie, tout ravageur doit pouvoir être régulé naturellement. Terres Inovia réalise aussi un état des lieux des auxiliaires à plus grande échelle. L’insecte est peu présent dans les comptages. Les recherches sont à poursuivre. »
Zone refuge pour les insectes pollinisateurs
Les bords de champ contribuent aussi à l’alimentation des pollinisateurs, dont les abeilles, lesquels ont un rôle important dans la qualité de la production et les rendements
Sylvain Coudreuse, ingénieur Conseil et Environnement