Nouveau gouvernement : vers un renouveau durable en agriculture ?

En entrant dans son bureau rue de Varenne à Paris, la toute nouvelle Ministre de l’agriculture Annie Genevard a découvert les « nuages noirs » décrits par Dominique Chargé, président de la Coopération agricole.

Les récoltes 2024 sont très mauvaises. La moisson de blé s’est effondrée d’un quart par rapport à 20231 . L’agriculture française dans son ensemble encaisse « un choc de production ». Le secteur « décline depuis 20 ans » sur tous les fronts : –62 % en protéagineux, –26 % en bovins, –23 % en vin et fruits, –8 % en porcs et –5 % en volaille ». En revanche, la météo n’explique pas tout. Depuis 2013, les agriculteurs ont perdu un quart des molécules disponibles en désherbage. Idem en protection fongicide. La productivité du verger de pommiers français diminue de 1% par an depuis 10 ans. En cause : moins de solutions efficaces contre les insectes et les maladies fongiques. Le rendement moyen est ainsi passé de 50 tonnes à 45 tonnes par hectare.

Dans ce climat, les attentes des agriculteurs sont immenses. D’autant plus que rien n’a changé depuis un an pour les producteurs et leurs filières. Au mécontentement a succédé l’amertume. Celle-ci est palpable dans les campagnes.

En clair, l’agriculture française arrive à son point de bascule.

Nécessité d’une réelle volonté politique

Pourtant Franz-Olivier Giesbert le rappelle2. « Sur la situation de notre pays, les Français disent la vérité quand ils affirment que la France est en déclin et, dans le même temps, qu’elle a beaucoup d’atouts. » Et d’ajouter : « nous voici avec ce gros problème qui, j’espère, sera bientôt réglé, celui de l’absence totale de volonté politique ».

A ce sujet, beaucoup d’observateurs ont noté que notre pays n’en manque pas quand il s’agit de réussir les Jeux Olympiques ou de reconstruire la cathédrale Notre Dame de Paris. Combien d’obstacles levés, combien de contraintes surmontées !

C’est pourquoi de notre côté, nous continuons d’avancer et de croire en l’avenir de l’agriculture française. Le meilleur indicateur reste celui du niveau des investissements en R&D de BASF. L’activité agricole au niveau mondial représente 42% des investissements de la R&D du groupe, soit 900 M€ pour la recherche en agriculture, sur un budget global de R&D de 2,13 Mds€. Lesquels investissements permettent de proposer des solutions concrètes aux agriculteurs français, tout en répondant aux objectifs de développement durable. Un de nos objectifs phares en agriculture est la réduction de 30% de CO2 par tonne de récolte produite en 2030, et ce, grâce aux innovations développées dans notre secteur R&D. Cette volonté d’avancer va donc de pair avec une responsabilité sociétale et nous poursuivons notre engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’événement Carbon X Change que nous avons organisé les 16 et 17 septembre dernier a notamment permis de conforter des partenariats stratégiques avec les acteurs agricoles, afin d’allier leviers économiques et durabilité des systèmes agricoles.

Un maître mot : produire

Les entreprises continuent d’investir et les filières agricoles sont dans l’expectative.

Côté européen, on observe un début de fléchissement pour sortir de la vision décroissante du Green Deal. Le rapport de la Commission « dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture européenne » présenté le 4 septembre dernier veut (enfin) « protéger les agriculteurs ». A la clef : une meilleure rémunération des effort faits par les producteurs en matière de développement durable (notamment concernant la décarbonation). Les pratiques visant ainsi à séquestrer le carbone dans le sol seraient prises en compte dans la législation mais pas celles qui permettent de diminuer l’émission des gaz à effet de serre. Ce qui est dommageable car c’est là qu’intervient principalement le développement d’innovations, qui apporteront des solutions concrètes et rentables aux agriculteurs.

Coté français, on attend de la toute nouvelle ministre de l’agriculture des miracles. Mais peut-elle les accomplir ? La voie législative semble bien bouchée et l’état des finances publiques n’offre aucune marge de manœuvre. Alors ? Au-delà de mesures de courts termes indispensables comme sur la trésorerie des exploitations, une seule chose pourra relancer l’agriculture française : il faut laisser les agriculteurs produire. Ces derniers doivent être soumis aux mêmes règles du jeu que leurs voisins de l’UE. Concernant la protection des cultures par exemple, il est tout simplement possible de sortir les producteurs des impasses techniques qui les frappent. C’est une question de… volonté politique. Cette mesure ne coûtera absolument rien au budget de l’Etat et ne nécessitera pas de grande réforme législative. Mieux, elle rapportera beaucoup à la Ferme France et par ricochet à notre société.


1 https://www.linkedin.com/in/emmanuelle-ducros-97047134/recent-activity/all/

2JDD 1er septembre 2024

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